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LOUIS BOUILHET

À moi, glaïeuls, genêts, orties !
À l’assaut, les verts escadrons !
Plantez au dos des sacristies
Vos échelles de liserons !…

Et toi, la mère universelle ;
Toi, la nourrice aux larges flancs,
Dont le lait pur à flots ruisselle
Du haut des cieux étincelants ;

Toi, qui marches, fière et sans voiles,
Sur les cultes abandonnés,
Et, par pitié, dans les étoiles
Caches les dieux découronnés ;

Toi, qui réponds aux calomnies
Des aveugles niant le jour,
Par des tonnerres d’harmonies
Et des cataclysmes d’amour ;

Toi, qui proposes dès l’enfance,
À notre faible humanité.
Pour symbole ta confiance,
Pour évangile ta beauté.

Entre, ô nature, avec ta joie,
Ton soleil et ton mouvement —
Et qu’on te laisse cette proie
À dévorer tranquillement !…

La pièce a du mouvement ; par ce rapprochement de la nature perpétuellement jeune et de la religion du Christ que certains croient à son déclin, elle fait songer, sans désavantage pour elle, à l’une des Chansons des rues et des bois[1]. Elle fait songer aussi à ces autres beaux vers de Victor Hugo :

C’était une humble église au cintre surbaissé.
L’église où nous entrâmes…

Mais cette fois quelle différence entre l’accent des deux poëte ! Combien le sentiment de l’auteur des Chants du crépuscule est plus profond et plus vrai,

  1. Victor Hugo, Chansons des rues et des bois.