Page:Angot - Louis Bouilhet, 1885.djvu/82

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
78
LOUIS BOUILHET

les paniers, les rosières, les petits philosophes et les petits abbés, et la fin sanglante du xviiie siècle entrevue dans un nuage de poudre parfumée[1], pour s’adresser à Mathurin Regnier[2] et lui demander le fouet de la satire[3].

Il a de ces caprices délicats et fantastiques dont l’un rappelle certaine poésie exquise de Ferdinand Freiligrath. Je songe alors aux féeries de Shakespeare ; des murmures et des susurrements délicieux, véritables échos des chansons d’Ariel et de Titania, retentissent à mes oreilles. — Plus loin j’entends encore les grandes harmonies du désert éclater et se mêler au murmure des lèvres humaines. Je crois respirer de toutes parts les fraîches senteurs de la vraie nature, et je sens palpiter la vie universelle. Puis tout commence à ne plus se dessiner que dans une teinte légère et vaporeuse, les contours s’effacent peu à peu ; des clairs de lune magiques éclairent ces tableaux aux couleurs décroissantes et font ruisseler la lumière comme des gouttes d’eau enchantée dans le calice des fleurs et à la pointe des feuilles.

Qui oserait condamner Bouilhet pour avoir à son tour, comme tant d’autres, chanté les clairs de lune et célébré les belles nuits pleines de reflets et de rayons argentés, s’il l’a fait d’une façon originale ?[4]. Ne semble-t-il pas lui-même, avec la meilleure grâce du monde, avoir prévu une condamnation, lorsqu’il s’écrie :

Sœur de la Terre, astre charmant,
Loin des cites où l’homme est chiche,
Quels bons coins sous le firmament
Je te ferais, — si j’étais riche !

  1. Neiges d’antan.
  2. À Mathurin Regnier.
  3. Le lion.
  4. Clair de lune. — Les raisins au clair de lune.