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LOUIS BOUILHET
{{#tag :poem|Et les larges vaisseaux, fendant les flots rebelles,

S’échappèrent du port en déployant leurs aîles !…[1]. Il partit avec eux, par la brise emporté[2] ;… … Il entendit alors dans sa force superbe Hennir les passions, comme un troupeau dans l’herbe… Il aima les tambours, les clairons, les cymbales, La bataille emportée au dos blanc des cavales, L’assaut qui monte aux murs avec ses doigts sanglants, Les peuples écrasés sous les palais croulants, Et la mêlée ardente, aux étreintes si fortes Que la terre oscilla sous le pied des cohortes…[3]. … Le monde était vaincu, le Ciel restait encore…..

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L’Homme ne tarda pas à renverser ses idoles ; à la place de ses dieux, il adora ses passions. Le monde ne pouvait être lavé de ses souillures que par le sang d’un dieu. L’Homme peut désormais aspirer à des sommets sublimes, le royaume de l’esprit est établi ; la doctrine de la liberté des âmes est fondée : l’Homme y trouvera désormais un refuge au milieu de l’empire de la force brutale[4]. Aussi il brave les supplices et la mort avec une sorte de volupté. La foi fait des miracles, les Barbares se convertissent,

… Et, dressé sur le monde avec ses bras ouverts
L’arbre du grand supplice abrita l’univers…

Les siècles se succèdent. Voici le Moyen-Âge tout palpitant d’une foi ardente ; voici les Temps Modernes avec l’esprit d’examen et les progrès de la Science. Le poëte chante l’invention de la boussole, la découverte de

  1. Tum mare velivolis florebant propter odores… etc.Lucrèce

  2. Navigia, atque agriculturas, mœnia, loges.
    Arma, vias, vesteis, et cœtera de genere horum
    Prœmia, delicias quoque funditus omneis,
    Carmina, picturas atque dœdala signa, politus
    Usus et impigrœ simul experientia mentis
    Paulatim docuit pedetentim progredienteis…(Id.)

  3. Et prius est armatum in equi conscendere costas
    Et moderarier hunc frenis, dextrâque vigere,
    Quam bijurgo curru belli tentare pericla…(Id.)

  4. Comp. E. Renan, Vie de Jésus, chap. viii, p. 121.