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SA VIE — SES ŒUVRES

la formation du Monde, sur la création des végétaux et des animaux, et sur la permanence des types ? Comment expliquera t-il la naissance de l’Homme ? Comment nous montrera-t-il l’Humanité se dégageant peu-à-peu des étreintes de la vie animale, la tribu groupant la famille, la cité s’organisant, l’industrie commençant à se développer, la Civilisation chassant la Barbarie et luttant de nouveau avec elle ? Quelles destinées réservera-t-il aux êtres créés et en particulier à l’Homme ? Ces questions se pressent sur les lèvres, quand on évoque par la pensée les mondes disparus, leurs paysages étranges, leur flore et leur faune monstrueuses.

Le poëme commence par un tableau du monde primitif. Des nuages humides enveloppent l’univers ; le soleil immense est pâle. Aucun bruit ne se fait entendre sur la terre ou dans les espaces qui l’environnent. Ici des granits énormes, là des mousses et des lichens. L’éclair luit par intervalles, et le grondement des volcans mal éteints répond parfois aux détonations de la foudre. Tantôt, c’est le jour, tantôt c’est la nuit.

Les siècles désolés se succèdent.

Cependant le soleil devient plus brillant ; la végétation paraît, et la nature dépense sa force en torrents de verdure[1]. Les arbres croissent, les bois se forment, des arômes inconnus se dégagent ; tout germe sous la chaleur du soleil. L’arc-en-ciel se dessine à l’horizon, et le bruit des feuillages se mêle au bruit des flots. Voici dans les varechs les oursins étoilés, les fleurs d’écailles, (1)

  1. Principio, genus herbarum viridemque nitorem
    Terra dedit circum colleis ; camposque per omneis
    Florida fulserunt viridanti prata colore :
    Arboribusque datum est varieis exinde per auras
    Crescundi magnum immissis certamen habenis
    Ut plumuntque pilei primum setœque creantur
    Quadrupedum membris et corpore penni potentum ;
    Sic nova tum telius herbas virgultaque primum
    Sustulit · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·

    Lucrèce : de naturâ rerum.