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LOUIS BOUILHET

ter comme un cratère. À sa voix, les invités, les serviteurs accourent des torche à la main ; c’est une mêlée, une confusion générale où deux esclaves restent sur le carreau. Pauvre Marcius ! la fin que lui donne le poëte, une indigestion, est bien celle qui lui convenait ; et il est fâcheux que le nain Caracoïdès ne soit plus là pour prononcer son oraison funèbre, Caracoïdès qui disait si bien, penché sur les cadavres des esclaves tués par Marcius, dans sa fureur de brute :

… Dormez ! la nuit est belle et la brise embaumée !
Un bon lit vous attend, sur le mont Esquilin !
Vous ne porterez plus la chaîne accoutumée.
Vous ne tournerez plus la meule du moulin !
À toutes vos douleurs la barrière est fermée,
Citoyens de la tombe, affranchis du destin !…

Tel est, dans son ensemble, comme il nous apparaît, ce poëme de Melœnis, où vibre l’écho des orgies des Saturnales, où se cachent les mystères des belles nuits d’été de la Rome antique, où se répandent les parfums qui montent du Tibre au Champ-de-Mars sur l’haleine des vents du soir. L’auteur pouvait être fier de son œuvre et jeter aux éplucheurs de mots ce jugement de Gustave Planche, qui en vaut bien un autre : « … Deux pages de Melœnis prises au hasard suffiraient pour marquer son rang… »