Ainsi qu’un arc tendu, sur son œil qui pétille.
Son sourcil se courbait par le pinceau tracé ;
Entre ses dents d’émail un souffle cadencé
Glissait comme la bise au bord d’une coquille ;
Un petit serpent vert dont la tête frétille
Entourait son bras nu, d’un bracelet glacé.
Des toiles de Milet, des tuniques traînantes,
Parmi les beaux colliers sur les tables épars.
Déroulaient à longs plis leurs teintes chatoyantes ;
Les couronnes de fleurs riaient de toutes parts ;
C’était un bruit confus d’étoffes ondoyantes,
Et mille reflets d’or à troubler les regards…
Le tableau n’est-il pas délicieux ?
À côté de Marcia, tantôt dans l’ombre, tantôt dans la lumière se détache la figure de Melœnis, la danseuse à l’amour implacable, aux ardeurs dévorantes, qui fait tour-à-tour de Paulus son idole ou l’objet de sa haine…
… Telle, au temps des amours, la cavale numide,
Flairant l’amant sauvage, à la croupe splendide
Frissonne et sonde au loin les feuillages bruyants…
C’est elle qui dit :
· · · · · · · · · · Je suis la courtisane impure !
La foule aux mille pieds, comme sur un chemin,
A marché sur mon cœur ; mais, malgré sa souillure,
J’en garde encore assez pour en mourir demain…
Elle a quelque chose de farouche et de sauvage. Hernani s’écrie :
… Oui, de ta suite, ô roi ! de ta suite ! — j’en suis !…
Va ! je suis là, j’épie et j’écoute, et sans bruit
Mon pas cherche ton pas et le presse et le suit.
Le jour tu ne pourras, ô roi, tourner la tête
Sans me voir immobile et sombre dans ta fête ;
La nuit tu ne pourras tourner les yeux, ô roi.
Sans voir mes yeux ardents luire derrière toi… ![1].
À son tour, Melœnis interpelle ainsi Paulus :
… Paulus, tu peux aller, souriant et parjure,
Je te suivrai partout, je t’atteindrai toujours !
- ↑ Victor Hugo, Hernani, acte Ier, sc. iv.