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SA VIE — SES ŒUVRES

Le caractère des personnages du drame se soutient avec unité et se dessine vigoureusement par le contraste. Paulus, ce rhéteur comédien et d’humeur vagabonde, parasite de Marcius, et à l’occasion hôte des tripots borgnes de Suburre, ne nous surprend point quand il endosse la cuirasse et ceint le glaive de l’histrion. On comprend facilement la réponse que fait tout d’abord à Commode l’édile gourmand, le maître de Bacca l’unique, quand l’empereur lui ordonne de marier Marcia à son gladiateur favori. Marcia reste pure et touchante dans son naïf amour pour ce rhéteur indigne de son affection, dans sa joie d’épouser celui qu’elle aime. Elle ne fait que paraître un moment, comme une blanche vision, au milieu des myrtes courbés en arcades, des lierres et des rosiers du jardin de son père, sous un rayon de lune. Hélas ! la pauvre enfant ! quand l’hymen s’apprête, quand ses femmes l’entourent pour la parer et la conduire vers son futur époux, elle ne soupçonne pas la cruelle révélation qui l’attend.

Avez-vous vu parfois, sur une coupe antique,
Entre deux beaux festons d’acanthe sinueux,
Diane chasseresse, avec ses longs cheveux,
Quand elle sort du bain, et, baigneuse pudique.
Livre aux nymphes des bois sa gorge magnifique.
Et ses pieds nus, mouilles par les flots amoureux !

Telle et plus jeune encor, près d’une eau qui murmure.
Dans un bassin de marbre aux contours ciselés.
Frémissante, et les yeux par ses grands cils voilés,
Marcia souriait ; sous sa blanche parure.
Une esclave, avec art, attachait la ceinture,
L’autre, les brodequins de perles étoilés.

Ses longs cheveux tombaient comme ceux des vestales,
Séparés par le fer en six tresses égales,
L’anneau serrait son doigt, et du coffre odorant,
Les matrones tiraient le voile de safran,
Avec la pièce d’or des fêtes nuptiales,
Et le fuseau qui dit : « Travaillez en aimant ! »