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SA VIE — SES ŒUVRES

appuyé sur une balustrade pour respirer. Le cercueil était sur des bâtons au-dessus de la fosse. Les discours allaient commencer (il y en a eu trois) ; alors j’ai renâclé ; mon frère et un ami m’ont emmené. Le lendemain, j’ai été chercher ma mère à Serquigny. Hier, j’ai été à Rouen prendre tous ses papiers ; aujourd’hui, j’ai lu les lettres qu’on m’a écrites, et voilà ! Ah ! cher Max, c’est dur !

» Il laisse par son testament… à Léonie tous ses livres, et tous ses papiers appartiennent à Philippe ; il l’a chargé de prendre quatre amis pour savoir ce qu’on doit faire des œuvres inédites : moi, d’Osmoy, toi et Caudron. Il laisse un excellent volume de poésies, quatre pièces en prose, et Mademoiselle Aïssé. Le directeur de l’Odéon n’aime pas le second acte ; je ne sais pas ce qu’il fera. Il faudra cet hiver que tu viennes ici avec d’Osmoy et que nous réglions ce qui doit être publié. Ma tête me fait trop souffrir pour continuer, et d’ailleurs, que te dirais-je ? Adieu, je t’embrasse avec ardeur. Il n’y a plus que toi, que toi seul. Te souviens-tu quand nous écrivions : solus ad solum ?

» P.S. — Dans toutes les lettres que j’ai reçues, il y a cette phrase : « Serrons nos rangs ! » Un monsieur que je ne connais pas m’a envoyé sa carte avec ces deux mots : sunt lacrymæ. »

Léonie, dont il est question dans la lettre de Gustave Flaubert, ajoute M. Maxime du Camp, est une femme excellente, qui, depuis vingt-et-un ans, n’avait pas quitté Bouilhet, dévouée à toute heure, respectueuse de son travail, et adoucissant pour lui ce que la solitude aurait eu de trop pénible. Elle avait un fils, nommé Philippe, que Bouilhet éleva, qu’il mit dans la bonne voie, comme s’il eût été son père. Léonie et Philippe ont été admirables, d’une affection, d’une abnégation que