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SA VIE — SES ŒUVRES

parties, dans une question où ils devraient avoir, tout au plus, voix délibérative, c’est-à dire, dans l’appréciation des œuvres présentées[1]. »

En 1867. six mois après le succès de la Conjuration d’Amboise, la mort de M. André Pottier rendit vacante la place de conservateur de la bibliothèque de la ville de Rouen. À l’insu de Bouilhet, un de ses amis, M. Dupré, mit le nom du poète en avant auprès de l’administration municipale. Celle-ci eut le bon goût de lui offrir la place. Bouilhet l’accepta.

Toute inquiétude matérielle avait disparu de sa vie. C’était le loisir et la fortune, un rêve ancien qui se réalisait. Ce poste tranquille semblait fait exprès pour lui. Tout en surveillant la besogne des employés et le prêt des livres, on peut songer aux combinaisons d’un drame et chercher des rimes rares ; mais la nouveauté de la fonction l’intéressa, ou du moins il le crut. Il pensa à des classements, à des catalogues, à des installations méthodiques, et donna un temps que la Poésie réclamait. Flaubert ne lui épargnait pas les reproches. « On t’a mis là pour faire des vers et non pour ranger des bouquins[2] ! » Il s’était installé dans le quartier Bihorel où, entre deux coteaux, une rue verdoyante, ondulée, serpente et décrit des zig-zag capricieux. Il avait choisi une maison blanche, tournée vers l’Orient et précédée d’un petit jardin rempli de fleurs qui se perdait presque dans les pépinières. « J’espère, écrivait-il on octobre 1867 à son ami M. Lepesqueur, pouvoir travailler à Rouen comme à Mantes. J’ai eu nécessairement quelques mois à consacrer à ma bibliothèque et à l’initiation d’une fonction dont j’ignorais bien des détails. Le plus gros est fait ; aujourd’hui le travail va venir… » Le poète avait compté sans la destinée. Quelque temps après son

  1. V. Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle.
  2. Maxime Ducamp, Souvenirs littéraires.