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LOUIS BOUILHET

» Bonne santé ! bon courage ! Ne crois pas que je sois devenu fou. Je suis simplement toqué à l’endroit du Céleste-Empire. Il y a des frénésies plus dangereuses que celles-là. Il y en a aussi, je l’avoue, de plus aimables, celle dont parle Horace, par exemple :

Recepto
Dulce mihi furere est amico !

» Je finis là-dessus. Cela vaut mieux que tout ce que je pourrais te dire. »

Lorsqu’il racontait avec quelle ardeur il travaillait le chinois, Bouilhet n’exagérait point. M. Maxime Ducamp nous raconte que comme l’un de ses amis lui disait un jour en riant : « — Aller jusqu’aux rives du Fleuve-Jaune pour attraper des papillons, c’est peut-être excessif. » Bouilhet goûta peu la plaisanterie et la releva vertement.

Cette passion pour le chinois ne l’empêchait point d’insérer, tantôt dans la Revue contemporaine, tantôt dans la Revue fantaisiste ou la troisième Revue de Paris, des pièces de poésie détachées où il se délassait des caprices des directeurs de théâtre, des exigences de la foule et des chicanes de la censure.

En 1859, il avait été nommé chevalier de la Légion d’Honneur et désigné pour faire partie de la commission des auteurs dramatiques instituée sous la présidence de M. Fould, ministre d’État, à l’effet de réviser les statuts de la Comédie française. Seul, Louis Bouilhet, sans se préoccuper du tarif des droits d’auteur en usage alors à ce théâtre, demanda que le mode de réception des pièces fût modifié. « M. Ed. Thierry, le secrétaire, porta la motion au rapport, et la commission passa outre. On se sépara sur une de ces demi-mesures qui n’aboutissent à rien. Les droits d’auteur furent augmentés d’un tiers ; mais les comédiens restèrent, comme devant, juges et