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SA VIE — SES ŒUVRES

Est-ce à dire qu’en dehors de l’amitié il n’y ait point de bonnes camaraderies ! Certes, il y en a qu’il ne faut point dédaigner. Bouilhet venait d’en faire l’expérience, puisque, grâce à un digne et brave camarade, il pouvait ouvrir la Revue de Paris pour y insérer Melœnis. C’était un véritable service que M. Maxime Ducamp rendait à notre poëte.

Le moment n’était guère propice pour un début, et le bruit des événements devait fatalement couvrir la voix timide du nouveau venu. — On était alors en 1852. Le coup d’état du prince-président se préparait sourdement dans l’ombre, la politique agitait fiévreusement les esprits, elle absorbait tout aux dépens de l’art, les imaginations et les courages. En dépit des circonstances, le poëme de Melœnis ne passa point complètement inaperçu. Il valut à son auteur l’honneur de correspondre avec Victor Hugo et Prosper Mérimée, ce ganzer Kerl[1], pour parler comme Goëthe. Détail curieux à noter et qu’un procès récent amis en lumière, le poëme de Melœnis fut acheté, en 1856, par l’éditeur Michel Lévy, pour la somme de quatre cents francs !

Melœnis fut comme un passe-port pour les œuvres auxquelles notre poëte travaillait. En effet, en même temps qu’il étudiait la vie et les mœurs de Rome païenne, Bouilhet préparait un poëme scientifique où il devait chanter les premiers âges du monde, la naissance de l’Homme et la destinée des êtres créés. C’était une originale et difficile entreprise. Sans se laisser rebuter par le vague des connaissances humaines, par les détails techniques, par une sèche nomenclature, par l’aridité de certaines études spéciales, il se mit hardiment en face de sa tâche, et bientôt, deux ans après Melœnis, les Fossiles parurent dans la Revue de Paris.

  1. Gesproeche mit Goëthe von J. P. Eckermann.