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LOUIS BOUILHET

Hyacinthe Bouilhet. Notre poète est d’origine béarnaise, mais le sort voulait que le futur auteur dramatique naquit sur le sol normand, à quelques lieues de la patrie de Corneille ! L’aïeul paternel de Louis Bouilhet avait des goûts beaucoup moins littéraires que Pierre Hourcastremé. Directeur des hôpitaux militaires, il était mort à l’armée. Le père du poëte fut lui-même chef des ambulances lors de la campagne de Russie, et s’il faut en croire Gustave Flaubert, au passage de la Bérésina, il traversa le fleuve à la nage, portant sur sa tête la caisse du régiment. Il mourut jeune des suites des blessures qu’il avait reçues.

Telle était la famille de Louis Bouilhet. Bien jeune encore, il fut placé dans un pensionnat, prés du Havre, à Ingouville. Des fenêtres de la pension, l’enfant voyait s’ouvrir les profondeurs de l’Océan où vient se précipiter la Seine. Sa pensée dut bien souvent prendre son essor à l’aspect grandiose du fleuve, qui disparaissait en s’amincissant dans la brume, et de la mer immense qui battait le pied des falaises. La nuit, ses rêves furent plus d’une fois bercés par le bruit assoupi des vagues.

L’âge de douze ans arrivait pour l’écolier. Son intelligence précoce exigeait de plus larges enseignements que ceux qu’ils pouvait trouver à Ingouville. Il entre au collège de Rouen. Dans toutes ses classes, successivement, il remporte presque tous les prix, sans en excepter le prix d’honneur de rhétorique. C’est alors que Bouilhet fit connaissance avec Gustave Flaubert, et que naquit cette grande et forte amitié qui unit à jamais ces deux belles intelligences. Louis Bouilhet, Gustave Flaubert ! Ils devinrent deux frères par l’âge, par les idées, par le talent,

Ambo florentes œtatibus. Arcades am[1]


deux frères de cette Arcadie de l’intelligence.

  1. Virgile, Egl. VII.