CHAPITRE SIXIÈME
Lorsque j’appris la mort de Louis Bouilhet, involontairement, je me rappelai cette exclamation de Goëthe pleurant la perte de Schiller : « C’était une créature magnifique, il nous a quitté dans la plénitude de sa force… »[1] La surprise fut douloureuse, Bouilhet succombait dans toute la vigueur de son talent, sans avoir dit son dernier mot, lorsque naguère encore, avec sa haute mine, sa prestance athlétique et sa sérénité souriante, il ne semblait pas voué à une fin prochaine. Ces fins prématurées amènent dans nos regrets comme un sentiment de révolte. La mort ne pouvait-elle pas être moins aveugle ! et s’il lui fallait une victime ne pouvait-elle point souffler sur un autre flambeau moins lumineux, sur une autre intelligence moins brillante et plus près de s’éteindre ! La destinée est inexorable. — « Hélas ! — soupire l’ombre d’un poète grec dans une épigramme
- ↑ Gesprœche mit Goëthe von J. P. Eckermann, t. 1. p. 192, 199.