Page:Angot - Louis Bouilhet, 1885.djvu/133

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

femme déchue, tel autre à la protection de l’enfant naturel, certains s’attaqueront aux lois sur les aliénés, sur le mariage, que sais-je ? et certains autres à n’importe quel article de nos codes criminels. Il y aura des spécialistes qui feront de cet art charmant du Théâtre je ne sais quel rival du moraliste de profession, du conférencier, du jurisconsulte et de l’économiste ; je ne sais quel champion, quel don Quichotte ! Chaque nouvelle comédie ou chaque nouveau drame paraîtra accompagné d’une préface où dans un tournoi plus brillant que sérieux les mots lutteront contre les idées pour éblouir le lecteur.

Bouilhet comprit le Théâtre tout autrement que ces prétendus réformateurs. L’idée d’un théâtre moralisateur le faisait éclater de rire, nous raconte M. Maxime Ducamp. Ses œuvres ne sont pas le développement plus ou moins ingénieux de thèses sociales : et… il ne fit point de préfaces. À quoi bon donner ce que le public ne demande point ? Modestement, à son rang, il composa ses pièces, comme le faisaient ses devanciers : Shakespeare, Lope de Vega, Corneille ou Molière.

… Et son vers bien ou mal dit toujours quelque chose…

Le théâtre était pour lui une institution purement littéraire. Et c’est en pensant de la sorte qu’il pratiquait le premier devoir du poêle dramatique. Il n’ignorait pas que le dramaturge a des obligations à remplir, et il avait un grand souci de leur accomplissement.

Notre époque a formé toute une génération d’auteurs sans scrupules, ne reculant devant aucun moyen pour atteindre leur but, le succès et l’argent, et pensant que la fin légitime tous les expédients. — Ces industriels, ces escamoteurs de muscades dramatiques n’ont rien à envier aux prestidigitateurs et aux joueurs de gobelets, ni la dextérité, ni la hardiesse, ni l’aplomb superbe. Ils connaissent à merveille les mauvais instincts de la foule