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LOUIS BOUILHET

quelques grotesques, tels que le père et la mère Thomas, le banquier Klœkher et le valet Dominique.

Flaubert n’était pas sans juger avec sévérité son œuvre et celle de ses collaborateurs. Voici ce qu’il écrivait à M. Émile Bergerat après l'avoir relue sur épreuves :

« Je n’avais pas relu le Château des Cœurs. Certaines parties m’ont amusé, mais, en somme, la pièce est disparate. La niaiserie du sujet jure avec le sérieux de la forme. L’avant-dernier tableau me paraît absolument mauvais ; mais que je voudrais voir sur les planches le Cabaret et le royaume du Pot-au-feu !… Moralité : les auteurs auraient bien fait de ne pas écrire pour être joués à toute force. Les concessions ne servent à rien qu’à dégrader ceux qui les font. »

On peut sans doute regretter avec Flaubert cette faiblesse qu’il partagea avec Bouilhet d’écrire en vue d’une représentation. Si la verve de l’auteur de Bouvard et Pécuchet et celle de l’auteur de l’oncle Million s’étaient donné carrière sans s’imposer d’entraves, le Château des Cœurs fût peut être devenu quelque chose de vraiment original, quelque fantaisie éblouissante comparable à celles de Shakespeare.

IV

M. Sully-Prudhomme, dans une poésie remarquable, à la fois ardente et inégale, prend à partie Alfred de Musset, le poète aimé de la jeunesse, et lui demande compte des dons merveilleux qu’il avait reçus. Il le félicite d’être venu à l’heure privilégiée du siècle :

… Toi, qui naquis à point dans le siècle où nous sommes,
Ni trop tôt pour savoir, ni pour chanter trop tard…

Ces vers, je ne sais comment, revenaient à notre oreille, lorsque nous commencions à parler de Louis