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SA VIE — SES ŒUVRES

Le sacrifice que Dolorés fait de son honneur est comme une reproduction adoucie du sacrifice sauvage de dona Sol, dans la corona merecida. Dona Estella, dona Sol, Chimène et Dolorès sont presque sœurs. Ne rappelle pas qui veut, parmi les dramaturges de notre temps, le souvenir de Corneille et des vieux maîtres du Théâtre espagnol !

À quoi bon parler maintenant du Panier de pêches, du Cœur à droite, du Sexe faible, et du Château des Cœurs ? Bouilhet tout entier se trouve déjà dans les pièces qui viennent d’être analysées. Avec elles seules, il peut être jugé. — Le Château des Cœurs, qui a été récemment publié, appartient presque tout entier à Gustave Flaubert ; il l’a fait sien, comme il me le disait sans détours ; il y a mis l’empreinte de sa griffe dans telles et telles scènes. — Faut-il analyser une fantaisie où la part de collaboration revenant à Bouilhet est presque impossible à définir. Une féerie ne s’analyse point d’ailleurs. Le Château des Cœurs est une spirituelle satire de l’égoïsme des hommes, de la bêtise mondaine et bourgeoise étalant sa plate turpitude. La tentation de Saint-Antoine est une raillerie amère des espérances et des croyances de l’Humanité pendant un certain espace de temps. Le Château des Cœurs ne vise que la niaiserie de nos contemporains. Le champ de la raillerie est cette fois moins vaste : la forme du sarcasme est moins élevée, sa portée moins grande. Les personnages sont moins abstraits, le drame a une action et il pourrait peut-être être mis au Théâtre. On a prononcé le mot de pièce aristophanesque à propos du Château des Cœurs. Le genre choisi par Flaubert et son ami Bouilhet ne se rapproche-t-il pas plutôt des comédies fabuleuses de Carlo Gozzi ? La satire y côtoie l’espièglerie, le trait s’y émousse facilement ou n’a pas de portée ; et les masques, les Pantalon, les Tartaglia, sont remplacés par