Page:Angot - Louis Bouilhet, 1885.djvu/123

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
119
SA VIE — SES ŒUVRES

Fernand doit se taire, dona Laura peut parler, elle. Don Pèdre la prie de ne point laisser mourir d’une mort infâme (car mourir ne serait rien) l’amant généreux qui se dévoue pour elle. L’altière comtesse va entrer chez la Reine pour lui dire où était Fernand à l’heure du crime, lorsque Dolorès qui a vu, la nuit de l’assassinat, Fernand pénétrer dans la demeure de dona Laura, accourt de son côté la supplier de proclamer l’innocence de celui qu’on accuse. Laura croit que son amant a parlé et qu’elle est victime d’une odieuse trahison. Elle ne parlera pas. Fernand va périr, lorsque Dolorès se présente devant le roi et s’écrie que son fiancé ne saurait être coupable, puisqu’il a passé chez elle la nuit du meurtre. Fernand ne veut pas accepter un tel sacrifice, et afin de restituer l’honneur à celle qui se dévoue pour lui, il affirme être l’assassin. Tout-à-coup, un ami de Fernand vient annoncer que le vrai coupable, un coupe-jarret à la solde du comte de Roxas, a été découvert — Fernand à genoux implore son pardon de celle qu’il a méconnue et qui pour lui s’est résignée à l’infamie. Il est trop tard maintenant pour l’aimer. Dolorès en allant se jeter aux pieds du roi avait pris du poison. Elle expire. Fernand ne veut pas lui survivre ; il se précipite sur son épée et s’enferre. Le tombeau le réunira dans la mort à celle qui voulait donner son honneur et sa vie pour le sauver.

Si on est loin avec cette intrigue de la Dolorès d’Achim d’Arnim, on est plus prés de Ferréol de M. Victorien Sardou, et surtout de l’innocence d’un forçat de Charles de Bernard, où Arthur d’Aubian se laisse accuser de l’assassinat de M. Gorsaz et n’ose se justifier, même dans le prétoire de la cour d’assises, de peur de déshonorer Lucie. Bouilhet a repris la situation dramatique esquissée par L’aimable romancier et l’a développée avec un raffinement de sentiments cornéliens. Son drame est