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SA VIE — SES ŒUVRES

et à l’allure héroïque de ses personnages. Ici, plus de figures historiques, comme Mme de Maintenon, Louis XIV ou Condé, plus de figures bourgeoises comme l’oncle Million, le notaire Gaudrier, le banquier Daubret ou le journaliste Flavignac ! Place aux belles senoras et aux fiers caballeros ! Écoutez ! c’est une délicieuse sérénade qui se fait entendre ! Voyez ! c’est un balcon qui s’anime ou une jalousie qui s’ouvre ! Voyez encore ! la rapière au poing, ce sont deux gentilhommes qui ferraillent. Le poëte va placer un cavalier entre la révélation d’un secret duquel dépend l’honneur d’une femme aimée et l’opprobre d’une accusation injuste. Une telle situation met en jeu le point d’honneur. Et l’Espagne n’est-elle pas par excellence la terre où le point d’honneur a toujours fleuri… surtout au théâtre. La fantaisie du poëte nous conduira donc à Tolède.

Dona Laura, comtesse de Roxas, la perle de Tolède, la belle des belles, la femme à la mode, est aimée du marquis d’Avila, C’est pourtant folie de l’aimer : elle est à la fois si provoquante et si insensible, si coquette et si hautaine, sa vanité se joue si bien des passions qu’elle fait naître ! Dona Rosaura, une tante du marquis, voit avec peine son neveu au nombre des adorateurs les plus ardents de la comtesse. Elle ne s’amuse pas à lui faire d’inutiles sermons, mais elle appelle, de la campagne où elle a vécu jusqu’alors, Dolorès, une jeune parente à elle, dont la grâce et la fraîcheur peuvent lutter avec la beauté de dona Laura. Inutiles projets ! Si le marquis d’Avila, rebuté par les caprices de la sirène tolédane ne se jette pas trop loin de l’idée d’épouser Dolorés, celle-ci veut rester fidèle à celui qu’elle aime, à un ami de son enfance, à don Fernand de Torrès, gentilhomme noble comme le roi, mais pauvre comme Job. Don Fernand revient précisément de la guerre. Il n’a point non plus oublié Dolorès, mais ce