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LOUIS BOUILHET

quels titres de poésies ! La Ferme ! Un titre qui rappelle certaine métairie que l’oncle million possède dans la Beauce et qu’il donne à sa nièce le jour où elle se marie. La Pervenche ! C’est une illusion ; quand il lit ces vers, le bon oncle se croit transporté dans ces grands bois qu’il a dans la Basse-Bretagne et qu’il offre en cadeau aux jeunes époux, de même que certain moulin chanté par Léon. Cet inventaire poétique n’est pas sans toucher Rousset. Le reste se devine. Léon épouse Alice. E finita la commedia !

La fragilité de cette action n’a point empêché le poëte de rencontrer des traits de vrai comique. Sa verve franche et naïve appelle le rire sans efforts, non pas ce rire nerveux et, pour ainsi dire, dépravé que nos modernes auteurs provoquent par des procédés et des artifices, par des alliances de mots disparates ou des réticences, mais ce rire sain, innocent et facile qu’excitent les comédies de notre vieux répertoire.

L’Oncle Million était une tentative des plus honorables. Le poëte avait su prouver qu’il possédait un langage souple, facile, naturel, et mieux en harmonie avec la situation et le caractère de ses personnages que celui qu’il avait employé dans Hélène Peyron. Dans ce drame, en effet, la langue de Bouilhet est toujours de bonne école, mais elle emploie tant d’images et de coloris poétique qu’il est impossible d’y voir le véritable vers du drame domestique. Cet abus des images et du coloris arrive à être d’autant plus choquant, que certaines pages, comme pour faire contraste avec les autres, sont écrites avec sobriété, sans ornements superflus et dans le ton qu’il convient. Le vers est net, il se dégage des étreintes, des comparaisons trop poétiques pour résonner juste sur les lèvres de ce banquier, de cette courtisane, de cette soubrette ou de cette jeune fille.

Ces réserves faites, il faut rendre justice aux qualités