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SA VIE — SES ŒUVRES

parler des banquiers, des notaires, dés négociants, des journalistes ou des soubrettes, précisément à cause de ses tendances romantiques. À deux reprises différentes, il résolut de la tenter. Le premier essai, Hélène Peyron, s’il lui valut des applaudissements au Théâtre, ne fut pas sous certains rapports très-heureux au point de vue purement littéraire. La seconde tentative, l’Oncle Million, quoiqu’elle ait trouvé beaucoup moins bonne grâce près des spectateurs, est des plus intéressantes et des plus méritoires. L’Oncle Million paraît avoir concilié, autant qu’il était possible, le langage de l’école romantique avec le langage parfois sentencieux et robuste, parfois naturel et familier de l’ancienne école comique française. Cette union a produit un style qui n’est pas sans valeur. En dépit du sujet de la pièce qui est l’exaltation du poëte, l’allure de l’œuvre n’est pas trop poétique ; et si le nombre de ses représentations fut assez limité, il faut s’en prendre à la faiblesse et à la fragilité de l’intrigue. Qu’on en juge plutôt :

Une discussion s’est élevée entre M. Rousset et son fils. M. Léon Rousset, un tout jeune homme, ne veut point se livrer au commerce, comme le désire son père. Les Lettres l’ont séduit, et il désirerait leur consacrer sa vie.

M. Rousset, furieux.
… Tu veux écrire toi ?
Léon

Sans doute.

M. Rousset.

 Écrire quoi ? mais parle… ! écrire quoi ?

En raillant :

Ah ! je sais !… j’ai trouvé, parmi d’autres surprises.
Une pièce de vers sur le soir et ses brises…
Qui traînait, ce matin, au panier du comptoir !

Avec colère :

Eh ! je me moque bien de tes brises du soir !