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SA VIE — SES ŒUVRES

de Bouilhet comme la plus ingénieusement combinée. Malgré tout le respect qu’il faut avoir pour l’opinion du célèbre romancier, on doit avouer que le drame n’est guère scénique. L’action y sommeille pour laisser le champ libre à une savante évocation du monde romain. Le mouvement, la vie, n’y circulent point. Le caractère des personnages en est la cause. Est-ce Faustine avec son égoïsme, son ambition terrible et la sécheresse de son cœur qui apportera le souffle nécessaire à ce tableau plus ou moins historique ? Est-ce Avidius Cassius, ce rude soldat, dont l’épée est plus souple que la langue et l’esprit ? Est-ce Marc-Aurèle, le philosophe, dont la figure sert de contraste avec celle de sa redoutable épouse ? La figure de Daphné est à peine esquissée. Ce n’est guère qu’un pâle reflet de Melœnis. La danseuse de Suburre est autrement vivante et passionnée que la magicienne, malgré ses philtres et sa sorcellerie.

La passion éclate davantage dans Mademoiselle Aïssé. Mais si c’est bien Faustine que le poëte nous a montrée tout-à-l’heure, est-ce bien l’amante du chevalier d’Aydie dont il a reproduit les traits ? N’est-ce pas plutôt une figure de fantaisie qu’il a esquissée dans le cadre de son intrigue ? Mademoiselle Aïssé appartient dans une certaine mesure à l’Histoire. Sans doute, elle ne peut y apparaître au même titre que Mme de Maintenon, Condé ou Faustine, mais elle tient sa place dans le xviiie siècle par sa destinée singulière, par son charme exotique. Ses traits, son caractère sont désormais bien fixés. Tout, ou à peu près tout, a été dit sur l’aimable circassienne, sur sa captivité chez les Turcs, le sort que lui prépara M. de Ferriol en l’achetant, l’éducation qu’elle reçut chez la belle-sœur de M. de Ferriol en compagnie de Pont de Veyle et de d’Argental, ses amours avec Aydie, sa correspondance avec Mme Calendrini, et sa fin si chrétienne ménagée par le Père