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Poète ami de mon pays,
J’aurais été muet ! devant ces chants serviles
Dont nos muses pâles et viles
Vont saluer l’ovation,
Enfermée aux liens d’un odieux silence
Ma muse n’aurait point jeté dans la balance
L’hymne de malédiction !

Quand d’autres vont, quêteurs d’un ignoble salaire,
Déchaîner le torrent des adulations,
Je n’aurais point crié dans ma sainte colère :
Anathème à ces histrions
Qui taillent sans pudeur en oripeaux scéniques,
En de sacrilèges tuniques,
Le plus auguste des manteaux,
Qui vont avec les os du géant de l’Empire,
Pareils au fossoyeurs du drame de Shakspeare,
Jouer sur d’orgueilleux tréteaux ;

Qui rêvent, en l’éclat de la grande parade
Où de tous leurs calculs l’habileté se fond,
Pour nous Athéniens du chien d’Alcibiade
Renouveler le jeu profond
Et qui ne sentent pas, en la route insensée
Où joyeuse court leur pensée,
Que ce qu’ils tiennent en leur main
C’est ta robe, ô César, cette robe puissante
Qu’Antoine déploya plaintive et menaçante
Aux regards du peuple romain !

20 juin 1840.
FIN.