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que nous autres ; un mouchoir leur valait un verre d’eau ou de lait, ou une poignée de millet.

» Ils avaient plus d’argent que nous, et donnaient des pièces de cinq francs pour des choses pour lesquelles nous offrions un franc.

» Au reste, ces Mauresses ne connaissaient pas la valeur de l’argent, et livraient plus à celui qui lui donnait deux ou trois petites pièces de dix sols, qu’à celui qui leur offrait un écu de six livres.

» Malheureusement nous n’avions pas de monnaie, et je bus plus d’un verre de lait au prix de six francs le verre.

» À quatre heures du soir, après avoir passé la grande chaleur du jour sous les tentes dégoûtantes des Mauresses, étendus à côté d’elles, nous entendîmes crier : Aux armes ! aux armes ! Je n’en avais point ; je m’armais d’un gros couteau que j’avais conservé et qui valait bien une épée.

» Nous avançons vers des Maures et des noirs qui avaient déjà désarmé plusieurs des nôtres qu’ils avaient trouvés se reposant sur le bord de la mer.

» On était sur le point de s’égorger, lorsque nous comprîmes que ces hommes venaient s’offrir à nous pour nous conduire au Sénégal ; je pensais qu’il fallait se condor entièrement à eux, qui se présentaient en petit nombre et se confiaient eux-mêmes à nous,