Ce jour-là, nous revîmes l’Argus, qui pouvait être à une demi-lieue de nous ; l’officier anglais tira plusieurs coups de fusil pour nous faire reconnaître ; le brick s’approcha de terre autant qu’il le put, et mit une embarcation à la mer. Les brisans étaient trop forts ; l’embarcation fut dans l’impossibilité de toucher terre. Alors Hamet, son frère, et le brave Karnet se jetèrent à l’eau, joignirent l’embarcation et arrivèrent près du brick.
M. Parnajon, capitaine du brick, reçut l’officier anglais de la manière la plus amicale. Il lui remit un baril de biscuits et quelques bouteilles d’eau-de-vie, pour que la distribution en fût faite à mon détachement.
Les deux Maures et M. Karnet se replacèrent dans le canot ; lorsqu’ils furent près des brisans ils jetèrent la barrique à l’eau, et la conduisirent, en nageant, jusqu’à terre.
Je distribuai de suite une ration double à chaque homme, et je fis placer le reste sur le chameau de Karnet.
Nous apprîmes alors que nous étions encore à vingt lieues du Sénégal ; ce trajet était bien long pour des hommes exténués de fatigues ; j’aurais pu me l’épargner en entrant dans le brick, mais il y aurait eu de la lâcheté à abandonner mes compagnons d’infortune, et je restai.