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Je lui dis ensuite que notre seul désir était de nous rendre au Sénégal ou résidait notre gouverneur, et je lui offris pour récompense, s’il voulait nous y conduire, du tabac, de la poudre et des fusils.

Le Maure goûta cette proposition : il se munit d’une peau de bouc pleine d’eau, et nous fit prendre la route du Sénégal ; un morceau de poisson sec rempli de vers fut la seule nourriture que nous primes avant notre départ ; quel repas après six jours de privations.

Nous marchâmes toute la journée et une partie de la nuit. À onze heures du soir, nous arrivâmes auprès de quelques cabanes creusées dans le sable, soutenues par des épines et habitées par des Maures de la même tribu que nos conducteurs.

On nous accabla d’insultes. Les traînards de la troupe ne purent obtenir un verre d’eau bourbeuse et saumâtre qu’en donnant deux ou trois mouchoirs sauvés du pillage. Nous primes cette nuit deux heures de sommeil, après lequel nous nous mimes en route.

À peine avions-nous marché une heure, que nous aperçûmes sur le bord de la mer une grande quantité de Maures qui se dirigeaient de notre côté en poussant des cris.

Quand ils furent à vingt pas de nous, l’un d’eux, c’était le chef, nous dit de nous arrêter et de ne rien craindre.