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d’une vapeur sombre, et, pénétrant dans la bouche, les yeux et les narines, y causait une irritation douloureuse, et augmentait les tourments de la soif.

Ce tourment fut aggravé par le phénomène du mirage qui de toutes parts nous présentait l’image de lacs d’eau limpide qui réfléchissaient distinctement les objets environnants. Une femme fut la première victime, elle tomba sur le sable sans force et sans vie. La vue de cette infortunée troubla notre imagination ; il nous semblait voir d’avance le sort qui nous attendait. Pour nous dérober à cet affreux spectacle, nous nous traînâmes vers une mare d’eau salée, où nous passâmes la nuit, sans cesse réveillés par le sifflement des reptiles et le cri des oiseaux de proie.

La femme dont nous venons de parler était l’épouse du caporal Grevin, soldat courageux et dévoué, qui ne put se déterminer à abandonner sa malheureuse compagne ; afin de ne pas interrompre le cours de notre récit, nous donnerons plus tard l’histoire de ce vieux soldat de l’Empire, elle sera le complément de celle des naufragés du désert.

Continuons notre récit :

Le lendemain, à trois heures du matin, nous voulûmes nous remettre en route ; mais quel fut notre désespoir lorsque la moitié de nos compagnons ne put ni se lever ni se tenir debout.