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Après cette distribution je rassemblai tous mes compagnons d’infortune et je leur parlai à-peu-près en ces termes :

« Mes braves amis, le malheur nous poursuit ; à peine échappés à un danger nous retombons dans un autre.

» La mer nous a vomis dans un désert où nous ne trouverons peut-être aucune ressource contre la soif et la faim ; montrons du courage et espérons tout de la Providence.

» S’il faut succomber aux besoins les plus pressants, sachons mourir ; respectons surtout les droits de l’humanité ; qu’on ne dise jamais de nous : des Français ont bu le sang de leurs frères, ils se sont rassasiés de leur chair, des Français ont été anthropophages ! »

Ces paroles produisirent la plus vive impression ; nous fîmes tous le même serment et nous l’avons tenu. Je lis alors prendre par le sergent-major Raynaud le nom de tous mes compagnons, afin que ceux qui survivraient pussent donner aux familles des renseignements sur ceux que la mort auraient frappés.

Nous nous trouvâmes cinquante-huit, dont voici la liste :

rie 1 D’Anglas, lieutenant de la lre compagnie ....... 22 ans.
rie 1 Petit, adjudant sous-officier, ........... 28
rie 1 Reynaud, sergent-major de la lre compagnie ...... 29