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partie de ce désert, qui a cent quatre-vingt mille lieues carrées de superficie.

Les sables, composés de grains infiniment petits, sont d’une très-grande profondeur ; les vents les agitent comme les flots de la mer ; ils en forment des montagnes qu’ils effacent, qu’ils dissipent bientôt après ; ils les élèvent à une très-grande hauteur, et le soleil en est obscurci.

Cet océan sablonneux est habité par les Maures, nation perfide et cruelle, qui dans leurs voyages le traversent dans tous les sens, et y cultivent le peu de terre susceptible de production. Ces contrées sont aussi remplies de tigres, de léopards, et de lions, dont la chaleur du climat augmente la férocité.

C’est là que nous lûmes débarqués le 6 juillet, à dix heures du matin, sans vivres, sans eau, ignorant la route que nous devions tenir. Mais la foi que nous avions dans la protection de la Providence animait notre courage et fortifiait notre espérance.

L’adjudant Petit gagna un monticule pour s’orienter et découvrir quelques moyens de salut ; il n’aperçût rien. Cette immense surface, dépouillée de tout signe de végétation, ressemble à la mer, lorsqu’elle n’est point agitée par les vents.

À peine délivrés des horreurs du naufrage et sortis vivants du gouffre de l’Océan, nous voilà replongés, dans un autre abîme, dans l’abîme immense du désert.