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Espiaux et moi nous avons survécu à cette scène déchirante ; nous avons revu nos parents, nos amis, notre patrie ; l’homme n’est donc pas né pour le malheur.

Le lieutenant Espiaux remit à la voile, et reprit, avec trente-deux personnes, la route du Sénégal, il nous laissa à regret dans le grand désert de Barbarie, près du Cap-Mérick.

En mettant le pied à terre, notre premier soin fut de rendre des actions de grâces à Dieu, pour le remercier de la protection visible qu’il nous avait conservée jusqu’à ce jour ; la femme du caporal Grevin récita l’Angélus. Nous priâmes tous notre sainte et bonne Mère d’intercéder pour nous, et après les moments consacrés à son culte, nous parcourûmes du regard le désert immense où nous nous trouvions débarqués, et sur lequel les Européens n’ont que des notions incertaines.

Le Zahara est une vaste étendue de pays comprise entre le Bildulgérid, la Nigritie, et cette partie de la Guinée où se trouve l’embouchure du Sénégal.

C’est une mer de sable blanc, fin et mouvant. Sur cette mer sèche, à peine trouve-t-on, de loin en loin, quelques îles où la végétation ait pu s’établir ; certes, ces îles, qu’on ne peut qu’imparfaitement comparer aux anciennes oasis de la Thébaïde, sont rares dans le Zahara. Réunies, elles ne formeraient pas la millième