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entassés les uns sur les autres, à la fureur des vagues, à un danger sans cesse menaçant[1]. Ceux qui avaient fait construire cette fatale machine, qu’auraient-ils fait à ma place ? Je n’avais donc pas à hésiter, et me voilà seul en plein Océan !… J’ai dit plus haut que je regagnai la frégate, après une heure de lutte désespérée contre les vagues.

M. de Savigny et Gorreard se sont fait un faux point d’honneur d’être entrés dans le radeau. M. Savigny ne pensait certainement pas à rendre son ministère utile à ceux qui se trouvaient avec lui sur les planches du radeau.

Quant à M. Correard, il n’exerçait, d’ailleurs, aucune autorité ; il n’était le chef de personne ; rien, s’il devait faire partie d’une autre embarcation, ne l’obligeait à s’immoler pour aller sur le radeau. Je ne vois pas d’abord quel attachement invincible, à son devoir, pouvait l’engager à choisir telle embarcation plutôt que telle autre. Quel secours a-t-il donné sur le radeau à ses malheureux compagnons d’infortune ? Aucun.


  1. La première nuit, douze de ceux qui se trouvaient sur le derrière du radeau perdirent la vie ayant tes extrémités inférieures engagées dans les interstices que laissaient entre elles les pièces de bois qui formaient le radeau ; huit avaient été enlevés par la violence de la mer.