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certaine ; les moyens de salut eussent été mieux employés. Les moyens de salut, ils les prirent en abandonnant leurs infortunés compagnons ; j’étais de ce nombre. On verra bientôt comment j’ai échappé à ce premier danger.

Toutes les promesses, toutes les espérances nous furent présentées pour nous cacher l’abîme qu’on ouvrait devant nous ; le radeau serait remorqué par les embarcations, on y placerait cent mille francs qui se trouvaient sur la frégate, tous les vivres y seraient déposés, et si une embarcation venait à chavirer, le radeau servirait de refuge : tels furent les propos suborneurs que nous tinrent ceux auxquels était confiée notre existence.

Dans la nuit du 4 au 5 juillet la frégate creva, sa quille se brisa en deux parties, les pompes étaient insuffisantes pour lutter contre l’eau qui entrait avec force dans la cale, le gouvernail se démonta et ne tint plus à l’arrière que par ses chaînes, à cinq heures du matin l’eau s’élevait à trois mètres, il fallait échapper à ses progrès menaçants.

Le désordre devint extrême ; chacun chercha le moyen qu’il crut le plus favorable pour gagner le large. Au milieu de cette confusion générale, les débarquements se font avec une grande difficulté.

On descendait sur le radeau à l’aide d’une faible corde qui pouvait à peine suffire à cet usage ; plusieurs reçurent des contusions ; d’autres, écartés par la foule, ne purent atteindre la corde