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travail pénible, plus le découragement s’emparait de l’équipage ; enfin, il ne fut plus permis de fermer les yeux à la vérité ; la frégate devait périr sur l’écueil, on renonça à la dégager. Un conseil fut convoqué dans lequel ne furent point appelés les officiers de terre ; ils auraient dû l’être, puisque le danger était commun à tous. Cet oubli prend sa source dans l’égoïsme dont la suite n’a donné que trop de preuves.

M. Schémalz, gouverneur du Sénégal, y donna le plan d’un radeau, qui joint aux six embarcations, devait servir à sauver tout l’équipage. Ce plan fut adopté ; mais une justice impartiale devait être suivie dans l’exécution du projet : au lieu d’une répartition arbitraire, l’honneur et l’humanité exigeaient que le sort décidât de la place que chacun devait occuper. Loin de là, on fait une liste clandestine d’embarquement, et ceux qui ont dirigé la liste fatale ont pris le poste le moins périlleux.

Tous les militaires, quelques matelots sans expérience, une douzaine de passagers furent désignés pour le radeau ; il fallait au moins une habile officier de marine pour diriger cette fatale machine. Le commandement en fut donné à un jeune aspirant, nommé M. Coudin, qui pouvait à peine marcher, une forte contusion à la jambe l’empêchait de se mouvoir. N’était-ce pas la place du capitaine ou du lieutenant en pied ? Leur présence eût donné de la confiance aux malheureux dévoués à une mort presque