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ne tempère tant d’horreur, nous allons tous périr, nulle chance de salut, pas un n’a les mains levées vers Celui auquel les mers et les vents obéissent. Renfermés en nous-mêmes, de l’abîme des eaux nous allons tomber sans y songer dans l’abîme de l’éternité ; et comme nous avons oublié Dieu, nous nous oublions les uns les autres ; aucune consolation n’est donnée ni offerte ; chacun ne voit que sa mort, ne regrette que sa vie, c’est l’égoïsme à sa dernière heure.

Après ce moment de stupeur nous nous abandonnons au plus affreux désespoir ; on n’entend que des lamentations et des reproches. Une agitation extrême sans objet et sans plan succède à l’état d’inertie où nous étions plongés. Quelle âme forte eût résisté à l’idée terrible d’un écueil, dans l’immensité de la mer, à si grande distance de la côte ? La mort ne peut se présenter sous un appareil plus redoutable.

Dans ce grand cataclysme, le souvenir de ma mère fut pour moi une providence et, par une inspiration de mon cœur, je porte mes regards vers Celui que nous avions oublié et j’articule ces quelques paroles :

Mère bonne et chérie, femme chrétienne qui n’avez jamais cessé de m’élever dans l’amour de notre Dieu, protégez-moi auprès de Lui. Je me rappelle qu’en me séparant de vous vous me mîtes sous la protection de la sainte et bonne Vierge ; quel espoir et