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Le bon accueil que voudront bien lui faire mes concitoyens sera pour moi la plus douce comme la plus fortifiante consolation. N’ai-je pas d’ailleurs le droit de parler d’une émouvante catastrophe, moi qui en suis le dernier débris ?

Mon livre n’est point un libelle ou un roman ; c’est l’histoire exacte des scènes du naufrage de la Méduse, que je vais décrire. Si quelques-uns de mes lecteurs ont quelque chose à me reprocher sous le rapport du style, ou envisagent ce sujet comme un événement qui est déjà loin de notre époque, il ne sera pas du moins sans intérêt pour ceux qui auront passé par l’école de l’adversité. Tel est le but que je me suis proposé en faisant paraître mon ouvrage.

Fut-il jamais naufrage aussi déplorablement célèbre que celui de la Méduse ? Où trouvera-t-on des hommes qui pourraient avoir été si malheureux que nous ? Cet épouvantable désastre, nous l’avouons avec le plus profond regret, est dû d’abord à l’ignorance et à l’imprudente sécurité du Capitaine-commandant ; ensuite au manque de sang froid des officiers du bord, qualité si difficile à conserver en pareille occurrence. Mais le courage, hâtons-nous de l’affirmer, ne leur a jamais fait défaut : il faut le dire en toute justice, l’éloignement de la terre et le manque de sauvetage compliquant la situation, avaient enlevé dans l’esprit de tous, l’espoir d’échapper aux dangers qui s’accumulaient, et la certitude de la mort