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cette machine ! Couchés sur les planches, les mains et les lèvres dégoûtantes, teintes du sang des malheureuses victimes, les poches remplies de ces chairs dont ils s’étaient rassasiés.

J’en ai dit assez sur ces scènes lugubres, scènes d’horreur, de carnage et de destruction.

Je comprends que le sang qui coule sur un champ-de-bataille soit un sang glorieux. Mais celui qui a coulé parmi les victimes d’une si terrible catastrophe, n’est-ce pas du sang qui fait horreur ?

Plaignons les infortunés qui ont survécu, et ne regardons leurs triomphes que comme une nécessité déplorablement indispensable. Avant de terminer ce récit, j’ai un devoir à remplir : celui de démentir de la manière la plus formelle, MM. Savigny et Correard, qui ont écrit sur ce triste sujet.

Non, nos malheureux soldats, comme vous l’avez annoncé dans votre relation, n’ont jamais été des furieux ni des lâches, ils souffraient plus que vous des besoins impérieux de la soif et de la faim, et n’avaient pas l’avantage de trouver place au centre du radeau, puisque vous occupiez, depuis le départ, cette position.

Ils n’étaient pas, comme vous voulez bien le dire encore, le rebut de toutes sortes de pays, l’élite des bagnes, où l’on avait écumé le ramassis impur, pour en former la force chargée de la