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remonter sur les planches du radeau on leur coupait les doigts à coups de sabre, au moment où ils saisissaient les pièces de bois.

Soixante étaient étendus morts.

Ceux que la mort avait épargnés dans cette nuit horrible, se précipitèrent sur les cadavres dont le radeau était couvert, les coupèrent par tranches et les dévorèrent à l’instant.

Les officiers eurent la force de s’en abstenir.

Le troisième jour fut calme ; la moitié de ces malheureux étaient dans une extrême faiblesse ; ils portaient sur leurs traits l’empreinte d’une destruction prochaine.

La troisième nuit, douze dévorés par la soif et la faim, sont trouvés gisants sans vie, et sont jetés à la mer.

Le quatrième jour, un Espagnol, de son propre mouvement, se précipite dans les flots.

La quatrième nuit, deux militaires trouvés buvant à la barrique de vin, qu’ils avaient percée sans permission, turent condamnés à mort et jetés à la mer.

Le cinquième jour, un enfant s’éteignit faute d’aliments.

Cinquième nuit. De cent cinquante hommes placés sur cette machine, il n’en restait que vingt-sept. Pour économiser les rations, douze malades ou blessés furent précipités dans l’abîme, ils ne restèrent que quinze qui, sept jours après ( grâce au sacrifice qu’ils