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ensuite nous parlerons des événements qui se sont passés à Saint-Louis et au camp de Daccard, établi sur la presqu’île du Cap-Vert.

Quand notre chaloupe eut rejoint le radeau, que remorquaient aussi les autres embarcations, nous demandâmes à celles-ci que l’on nous prit une vingtaine d’hommes ; que, sans cela, nous allions couler ; elles nous répondirent quelles étaient elles-mêmes trop chargées.

Les canots crurent, d’après un mouvement que nous fîmes sur eux, que le désespoir nous avait suggéré l’intention de les couler et de couler avec eux : alors, pour nous éviter, ils lâchèrent les cordes qui les unissaient, et, à pleines voiles, s’éloignèrent de nous, laissant seul le grand canot attaché à la remorque du radeau.

Au milieu de ce trouble, la corde qui servait à cette embarcation pour le remorquer, se rompit, et cent cinquante malheureux furent ainsi abandonnés à la merci des flots sans aucun espoir de secours.

Ce moment fut terrible !!!…

Le lieutenant de marine Espiaux, pour engager ses camarades à faire un dernier effort, vire de bord, et fait un mouvement pour reprendre le radeau ; les matelots veulent s’y opposer, et disent que les hommes qui s’y trouvent se précipiteront sur nous et nous perdront tous. « Je le sais, mes amis, s’écria Espiaux, mais je ne veux en approcher, qu’autant qu’il n’aura pas de