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Quand un homme a perdu la tête
Est-ce un vain serment qui l’arrête ?
Un mot, et votre bouche est prête,
À baiser mes pieds de vilaine.
Mais pensez-vous que je désire
Perdre, pour vous plaire, beau sire,
Ma richesse la plus certaine ? [1] »

L’auteur de cette traduction remarque que la vilaine, mise ainsi en scène, a « terriblement d’esprit » pour une femme des champs. « Ce n’est pas le long des haies, même en Gascogne, que fleurit une ironie si légère et si perçante à la fois. » C’est une réflexion qu’on peut faire à propos de la plupart des pastourelles. C’est un genre qui a pu être populaire ; mais il a perdu ce caractère de très bonne heure.

Comment d’ailleurs ce genre, s’il avait gardé la simplicité primitive que nous pouvons lui supposer, aurait-il eu des chances de plaire à la société raffinée pour laquelle écrivaient les troubadours ? Aussi les bergères qu’ils mettent en scène ressemblent étrangement, du début à la fin de leur littérature, à celle de Marcabrun. C’est leur aïeule. Ce sont en général de vertueuses coquettes. Elles écoutent les compliments, acceptent les galanteries, mais finissent toujours par berner leur interlocuteur. Là encore règne la convention. Le charme de la plupart de ces compositions ne vient pas des tableaux champêtres qu’elles peuvent présenter, ni de la naïveté et de la simplicité des sentiments exprimés ; il vient surtout de la forme dialoguée qui a permis aux auteurs de

  1. Traduction de M. A. Jeanroy, Origines, p. 31.