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de la chevalerie. Elle lui doit d’être restée encore vivante, malgré les ans. À tel point qu’en un certain sens on pourrait l’appeler classique. Ne nous posons pas la question célèbre : qu’est-ce qu’un classique ? Mais si l’on réduisait le classicisme au fait d’avoir exprimé sous une forme parfaite des vérités éternelles, l’ancienne poésie provençale mériterait le nom de classique. Pour la forme, on peut dire qu’aucune poésie lyrique ne l’a cultivée avec plus de soin, disons mieux, avec plus d’amour ; quant au fond, les sentiments qui y sont exprimés sont de ceux qui, idéalisés et ennoblis, ont toujours fait vibrer les cœurs des hommes. Et quel charme de plus pouvons-nous donc exiger de la poésie ?

La poésie morale, didactique, ou satirique a eu le même caractère aristocratique que la « chanson ». La poésie lyrique méridionale se divise en plusieurs genres, dont les principaux sont : la chanson, consacrée à l’exaltation de l’amour courtois et le sirventés ou serventois, comme on l’appelle dans la poésie du Nord. C’est le sirventés qui sert à l’expression des idées morales, ou de la satire personnelle, littéraire, politique et sociale. La poésie des troubadours a connu toutes ces divisions du genre ; mais là encore on voit qu’elle est un produit de la société aristocratique. Les pièces diffamatoires ne sont pas rares dans cette poésie. Un grand seigneur refusait-il sa protection à un troubadour ? La vengeance du « poète irritable » s’exprimait sous forme de satire personnelle, dure et méprisante. Les poésies de ce genre