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richesse ; aussitôt ils deviennent l’ami du riche et si la maladie l’accable, ils se font faire des donations… Mais savez-vous que devient la richesse mal acquise ? il viendra un fort voleur qui ne leur laissera rien ; c’est la Mort qui les abat et, avec quatre aunes de drap, les envoie dans une demeure où les maux ne leur manqueront pas[1]

Cependant l’homme qui a écrit ces violentes satires et bien d’autres que nous ne pouvons citer fut un croyant sincère. Cela ressort de l’ensemble de son œuvre et aussi d’un bel acte de foi qui forme la première partie d’une de ses satires, et dont voici la traduction.

Avec des mots nouveaux, avec art et sur un sujet divin, je ferai un poème magistralement composé : car je crois que Dieu naquit d’une mère sainte par qui le monde fut sauvé ; il est Père, Fils et Sainte Trinité et il est un en trois personnes.

Je crois qu’il entr’ouvrit le ciel et qu’il en fit choir les anges quand il vit qu’ils étaient damnés. Je crois que saint Jean le tint entre ses bras et le baptisa dans l’eau du fleuve…

Je crois à Rome et à saint Pierre, à qui il fut ordonné d’être juge de pénitence, de sens et de folie[2].

Il n’est pas sans intérêt de comparer à cet acte de foi le « credo » que Dante exprime au chant XXIV du Paradis.

Je crois en un seul Dieu, seul et éternel, qui fait mouvoir le Ciel et qui n’est agité ni par l’amour ni par le désir… je crois en trois personnes éternelles et je crois qu’elles sont d’une seule et d’une triple essence… Pour cette croyance je n’ai pas les seules preuves physiques et métaphysiques, mais j’ai encore comme preuve la vérité

  1. Bartsch, Chr. prov., col. 173.
  2. Parn. occit., p. 324 ; cf. aussi Appel, Prov. Chr., no 79. Cardenal appelle son poème un estribot, mot assez rare désignant un genre peu connu. Cf. encore Raimbaut d’Orange dans la pièce : Escotatz.