Page:Angers - Les révélations du crime ou Cambray et ses complices, 1837.djvu/72

Cette page a été validée par deux contributeurs.
71

— « Si Waterworth ne m’avait pas fait espérer qu’il se joindrait à moi pour l’affaire de Sivrac, je n’aurais pas encore eu mon procès dans le dernier Terme : j’aurais eu la précaution de me rendre malade… Il m’a joué un tour bien cruel, cet infâme Waterworth ! C’est le plus grand gueux qu’il y ait dans la Prison. »

— « Oh ! oui, le maudit ! » observa Mathieu, « c’est lui qui nous a mis dans cette affaire-là ; mais le diable le chauffera pour cela. »

— « Waterworth déclare pourtant, » dis-je à Cambray, « que c’est vous qui le premier vous êtes offert comme témoin du Roi. »

— « Non, non, non : ça m’a été proposé, mais je n’ai pas voulu… Si Waterworth nous a trahis, c’est parcequ’il n’a point de concience, il n’a point la bosse de l’honnêteté ! le Docteur B… le lui a bien dit, il y a quelque mois. Waterworth n’a pas d’excuses : il a agi par méchanceté, par crainte ; il mérite d’être pendu vingt fois. Pour faire croire qu’il est innocent, il se donne pour un lâche ; oui, c’est un lâche, mais il est aussi le plus infâme des scélérats. Il n’y avait pas de danger qu’il vînt à compromettre Norris et les autres… »

— « Je ne l’en blâme pas, » dit Mathieu, « mais il n’aurait pas dû nous mettre en leur place : ce n’est pas bien fait, cela. Savez-vous qu’il est dangereux de prendre le témoignage de gens comme nous ; ça ne devrait pas se faire. Pour nous éviter six mois d’emprisonnement, nous pouvons tout dire. Waterworth fera bien de quitter Québec ; ses jours n’y seraient pas en sûreté ; nous avons des confrères qui nous vengeraient. »

— « Personne ne voudra lui parler, j’en suis certain, » dit Cambray ; « il ne sera reçu nulle part ; le traître ! Ah ! si je le rencontrais, que je le… oui… mais… je ne voudrais pas le regarder… non, je ne lui ferais pas de mal… »

Il faut avoir entendu l’accent de ces paroles, vu l’expression de figure qui les accompagnait, pour les comprendre, pour apprécier toute l’énergie de ces réticences.

— « Je ne voudrais pas être à sa place, » ajouta encore Cambray ; « quoiqu’il soit bien dur de se voir condamné à mort, et pour vol seulement… Aux États-Unis, on ne pend que pour meurtre ; et ça me paraît raisonnable. La meilleure punition est la déportation : les Pénitentiaires n’inspirent pas beaucoup de terreur, mais la déportation ! ah ! c’est désolant : un homme aime toujours son pays. C’est un bon moyen que la Cour a pris de condamner à la déportation tous les jeunes voleurs ; ça les sauve de la potence, et ça effraie les autres. Vous verrez bientôt les bri-