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nous n’avons pas. C’était la réunion qui offrait le tableau le plus affligeant et le plus désagréable qu’il y eût dans ce bâtiment, et qui portait surtout l’empreinte de la misère et de la dégradation. Le Baron Van Kœnig, le Roi d’Écosse, (The King of Scotland,) Paddy le chanteur, et maintes autres notabilités de nos places publiques, étaient dans cette chambre.

Après avoir ainsi visité tous les quartiers les uns après les autres, nous arrivâmes enfin au cachot des condamnés.

En entrant dans cet asile du crime, nous apperçûmes quatre hommes, étendus sur un méchant grabat, et éclairés par une seule lampe, qui ne jetait dans cette étroite demeure qu’une faible clarté. Ces quatre personnes sont un soldat du nom de Gillan, condamné à mort pour avoir tué un de ses compagnons, Cambray et Mathieu aussi condamnés à la même peine pour vol avec effraction, et Gagnon trouvé coupable du vol de la Congrégation, mais qui ne doit recevoir sa sentence que dans six mois. Il n’était guères possible d’entrer dans ce cachot étroit, bas et obscur, et d’aborder ces quatre personnes, destinées à une mort honteuse, et dont la pâleur était augmentée encore par la teinte jaunâtre des murailles, sans éprouver une émotion vive, un serrement de cœur ! En nous appercevant, Cambray se lève sur son séant, et nous invite à nous asseoir sur un banc, meuble unique de cet appartement.

À nos premières questions, il ne répond d’abord que par des lamentations sur l’état de sa santé, nous parlant avec un air contrit et affligé, et d’un ton de voix languissant et cassé ; et puis, il nous demande des nouvelles de la requête qui circule pour faire commuer sa sentence de mort en une sentence de déportation, combien il y a de signatures, et s’il est probable qu’il obtiendra son pardon.

« Ce n’est pas, » nous dit-il, « que je tienne beaucoup à cette requête ; je suis bien résigné, et puisqu’il faut mourir, peu m’importe de mourir plutôt ou plus tard : cependant des amis m’ont conseillé de tenter encore cette chance… Il y a bien peu d’espoir, je crois. »

— « Avez-vous entendu parler de ma sœur ? » interrompit Mathieu  ; — « On vient de m’apprendre qu’on l’a trouvée morte sur la glace. Il n’y a que cela qui m’afflige… Je connais si bien ses dispositions ; elle était venue de la campagne pour voir comment ça se passerait, et quand elle m’a vu pris dans cette affaire-là, elle se sera empoisonnée. Ils ont aussi fait une requête pour moi dans ma paroisse ; mais c’est bien inutile. Ma foi ! j’aime autant mourir à présent ; hier j’ai vu un prêtre durant un quart d’heure environ ; mes affaires sont arrangées, et je suis prêt ! Je ne crains pas plus la mort que cela ! » ajouta-t-il, en tirant de sa pipe un nuage de fumée, qui se déroula en longues spirales autour de sa hideuse figure.