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CHAPITRE XVIII.


Une visite à la prison. — Charland. — Les condamnés. — Gillan, le meurtrier. — La déportation. — Le départ.


Quelques jours après le Terme Criminel de Mars, (1837,) nous visitâmes la prison, et le guichetier nous introduisit dans les chambres occupées par les criminels. Il fesait sa revue de huit heures du soir, et constatait la présence de chacun des prisonniers, ce qui se fait trois fois la nuit, à huit heures, à minuit, et à quatre heures du matin. Chaque étage est divisé en deux par un passage ou corridor, aux deux côtés duquel sont situées les chambres des prisonniers. Chaque chambre peut avoir environ quinze pieds carrés, et contenir douze ou quinze personnes. Il y a autour de cet appartement commun de petites cellules, qui servent de cabinet de nuit pour deux ou trois prisonniers. Dès que le guichetier ouvre la porte, tous les prisonniers se rangent en demi-cercle, et répondent à leur nom. Ceux qui ont des demandes ou des plaintes à faire, profitent de ce moment pour faire parvenir leur requête au Shérif ou au Geolier. La première chambre que nous visitâmes renfermait les criminels condamnés récemment à la déportation ; ils étaient au nombre de treize, tous dans la fleur de l’âge et condamnés pour récidive ; le plus jeune n’avait que douze ans, le plus âgé n’en avait pas vingt-cinq. Il est impossible d’imaginer une collection plus complette de figures rébarbatives et scélérates. Cependant ils étaient tous d’une gaîté vive et bouffonne, et se lançaient des plaisanteries les uns aux autres sur le nombre d’années, que devait durer leur déportation.

— « N’importe, » disait un jeune garçon de douze à quinze ans, « je n’en ai que pour sept ans, moi ! ce n’est pas comme Johnny qui en a quatre fois sept : ce sera un grand garçon, quand il reviendra. »

— « Bah ! » dit un autre, « nous sommes plusieurs, nous nous amuserons bien, et nous leur donnerons de la tablature… »

— « Oui, » ajouta un troisième, « s’ils parviennent jamais à nous rendre à la colonie des bons enfans, (Botany-Bay ;) mais je crains que ça ne joue dur sur la route… »

De là nous passâmes dans la chambre où sont réunis tous les vieux délinquans, vagabonds incorrigibles, pensionnaires permanens du Roi, dont la vie tient à la prison, comme celle des poissons tient à l’eau, et celle des oiseaux à l’air. À leur tête est Charland, bossu sémillant et spirituel, plein de babil, de politesse et de grâces, (car un bossu en a toujours,) les cheveux blonds et lisses, la peau jaune, trapu, courteau, rond comme une boule, la tête dans les épaules, les épaules dans l’estomac, l’estomac dans