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— « Ne comptez pas là-dessus, car vous pourriez vous abuser, et vous entretenir dans une dangereuse sécurité. Peut-être est-il mieux pour le salut de votre âme, que la mort vous enlève dans ce moment de bonne disposition ; car la chair est faible, et l’inclination forte dans une nature viciée comme la vôtre : cependant j’y songerai, je me consulterai, et surtout je me conduirai d’après ce qu’il y aura à espérer de vous… »

Elle est touchante et sublime la religion du Christ, quand elle adresse au malheureux ses paroles d’amour et de bienveillance ! elle est noble et philanthropique la mission du Prêtre qui vient jusques dans le cachot exercer son ministère auguste de paix et de consolation ! Et il est gangréné jusqu’au cœur, il est incurable, l’homme qui se refuse à ces séduisantes caresses, et qui méprise le baume de des consolations ! Cependant pourquoi la religion pardonne-t-elle, quand la loi condamne et est inexorable ? la première a horreur du sang ; la seconde se plait à le voir couler ; la première offre une planche de salut au malheureux qui veut se repentir ; la seconde lui donne pour consolation le désespoir et la mort ! La loi, qui établit la peine de mort, est donc inhumaine ? que dis-je, elle est presque impie ? Elle prive un homme de son existence actuelle, et rend douteuse son existence future ! Songez-y bien, législateurs ; et voyez s’il n’y a pas quelque moyen de réformer les hommes, au lieu de les tuer ! Il est vrai que les exécutions sont rares, mais la loi existe ! Et si elle n’est pas mise à exécution, elle n’est que dangereuse, car elle est un gage certain d’impunité et une invitation au crime ! Le scélérat, qui se prépare à violer les lois, n’a en vue que les châtimens dont elles le menacent, et s’il entrevoit les moyens d’y échapper, il se rassure bientôt, sans s’occuper beaucoup des peines secondaires qui peuvent l’atteindre, mais qu’il n’a pas devant les yeux.

« Enfin, » dit Cambray, (car il faut revenir à notre sujet,) « je me flatte que vous voudrez bien songer au moyen de faire commuer ma sentence ! je vous reverrai demain, car je n’ai jamais été baptisé, je pense. »

— « Oui, je reviendrai demain, » dit le jeune Prêtre, « adieu ! vivez en paix, mais rappelez-vous que vous devez comparaître dans trois jours devant le tribunal de l’Éternel. »

Et il sortit.

« Je ne désespère pas, » dit alors Cambray à Mathieu qui pendant toute cette entrevue n’avait pas dit mot : « si je puis intéresser le clergé en ma ferveur, nous sommes sauvés ! » et il réprima un sourire d’espérance et de satisfaction ; car il était à demi-contrit, à demi-triomphant.

— « Ça prend bonne couleur, » dit Mathieu, « ça prend bonne couleur. »