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« Il est étonnant, » dit-il « jusqu’à quel point l’adresse et l’hypocrisie peuvent pour un temps en imposer à la généralité des meilleurs citoyens ; et même il est digne de remarque que les premiers soupçons ne viennent jamais d’eux, mais bien au contraire de gens qui semblent n’avoir aucun droit de jeter la première pierre. Il semble que ce soient les trahisons du vice contre le vice qui protègent la société contre la corruption universelle. Quoiqu’il en soit, seulement quelques jours avant notre arrestation, la maison de Cambray était encore le rendez-vous de personnes de la plus haute respectabilité. Ce qui vous étonnera davantage est l’intimité dans laquelle il vivait avec un homme de mœurs et de probité exemplaires, avec un homme que son rang seul dans la société recommande au respect de tous ; car cet homme était . . . . . . Sans doute il était loin de connaître, d’imaginer même les trames secrètes de son ami, et j’affirme hautement qu’il le croyait honnête. Il était dupe, à la vérité, mais bien d’autres l’auraient été ; car si la surface couvrait un abîme, elle n’avait rien néanmoins de rebutant. La croyance religieuse de la femme de Cambray avait d’abord été l’occasion de cette liaison, que l’honnêteté apparente et la sociabilité du mari avaient ensuite fortifiée. Il ne partageait pourtant pas la croyance religieuse de cet ami, car il n’en avait aucune : mais il croyait qu’il ne lui serait pas inutile auprès de ses concitoyens d’avoir l’estime d’un homme vertueux, et en conséquence il singeait la vertu.

« N’allez pas conclure que je veuille insinuer que Cambray ne crût pas en l’existence de la Divinité : bien loin de là, sa conduite prouve le contraire, puisque dans nos complots d’iniquité, il adressait sa prière au Diable : or qui croit au malin esprit croit au bon esprit ; le scélérat qui se voue à Satan et qui meurt dans le désespoir, prouve infailliblement l’existence de celui qui a mis le remord et le repentir dans le cœur de l’homme.

« Au moment de notre arrestation, ainsi que je viens de le dire, nous étions donc au comble de notre prospérité ; fortune, réputation, sécurité, tout nous souriait. Le jour de la rétribution était arrivé, le soupçon tomba sur nous, et tout s’évanouit en un instant. Nous ne fûmes pas arrêtés, que les crimes les plus horribles, réels ou supposés, furent mis sur notre compte, et ces accusations, accueillies comme vérités de tout le monde, et proclamées avec indignation. Il se trouva des milliers de personnes qui, fières de leur perspicacité et de leurs prétendues découvertes, racontèrent les incidens les plus ridicules, tendant tous à dévoiler nos sourdes menées, et à nous représenter comme des monstres. Les coupables surtout ne manquèrent pas cette belle occasion de nous charger de leurs fautes, et de s’exonérer pour autant.

« Cette malheureuse affaire nous alarma beaucoup, et nous sentîmes toute la portée du coup qui nous avait atteints ; cependant nous ne