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C’était un beau jour d’été, vers la mi-juillet, à trois heures de l’après-midi environ que cet événement eut lieu. La veille, des Magistrats, munis d’un document authentique, avaient fait des recherches dans la maison de Cambray, et en avaient emporté des cuillères d’argent et un télescope. Ce jour là, après avoir passé une partie de la journée au Palais à faire battre des coqs, suivant sa louable coutume, Cambray était rentré chez lui à l’heure dont je viens de parler, et seul avec sa femme, (car Waterworth était absent,) s’informait d’elle avec une sorte de minutie capricieuse et fatiguante de tous les détails de la visite des Magistrats le jour précédent.

« N’ont-ils rien dit de bien significatif ? » lui demandait-il ; « n’as-tu rien lu dans leur figure ? Ils ne m’ont pas demandé toutefois ? »

— « Mais pourquoi tant de questions sur cette affaire, si, comme tu me le disais hier au soir, ce n’est qu’une saisie pour une somme de dix Louis que doit Waterworth, et pour laquelle tu t’es rendu caution ! Cela ne peut pas nous ruiner, quoiqu’il faille toujours en revenir au proverbe : « Qui répond, paie. »

— « C’est que, vois-tu, je ne crois pas cette procédure bien légale. Entrer ainsi dans la maison d’un individu, ça me paraît un peu fort ! »

— « Sois donc tranquille, » répartit la jeune femme ; « si c’était pour quelque mauvaise affaire, pour tes propres dettes, quelque marché non accompli, ce serait bien autrement affreux ! Mais un cautionnement ? Ce n’est rien… Ah… Ciel ! que vois-je ? ce sont encore les mêmes figures ! regarde donc, les voici ; ils conversent ensemble et se montrent notre demeure ; quoi ! reviendraient-ils encore ? M’aurais-tu caché une partie de la vérité ? Que nous veulent-ils donc ? Je vais barrer la porte, n’est-ce pas ? »

— « Arrête, arrête ! ne fais point de folie, » répliqua le mari avec un sang froid affecté, en se levant de sa chaise et allant d’un pas ferme s’étendre sur un sopha. Durant la conversation qui venait de précéder, un spectateur attentif aurait pu découvrir dans l’expression et dans les paroles du mari de l’embarras, du doute, de la crainte même, effets inévitables de quelque pressentiment. En effet, quand la jeune femme avait lâché le mot si terrible pour lui « les voici, » il avait fait sur son siège un bond involontaire, un frisson de glace était passé par tous ses membres, et il était resté un instant pâle, oppressé, décontenancé. « Comment ! » avait-il murmuré entre ses dents, « serions-nous découverts, serais-je trahi ? » Puis revenant aussitôt à lui-même, la force de son caractère avait repris le dessus et maintenant il était calme et résolu, prêt à faire face au malheur, et ne désespérant pas de le conjurer ; quand on frappa