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CHAPITRE XII.


Meurtre du Capitaine Sivrac. — Effronterie et témérité. — Les escamoteurs. — Un revirement de fortune. — Arrestation de Cambray et de Waterworth. — Le voile est déchiré.


« Voici, » dit Waterworth, reprenant son récit que nous avons interrompu un moment par une autre forme de narration, « voici tous les crimes auxquels j’ai pris part et qui se sont succédés sans interruption depuis le mois de Novembre jusqu’au mois de Juillet (1835.)

« Il en est un autre qu’on a mis sur notre compte, je le sais, et pour lequel Cambray a subi un procès, mais dont il a été acquitté devant la Cour Criminelle. C’est le meurtre du Capitaine Sivrac. Quoique le Capitaine Sivrac, sur son lit de mort, ait nommé ses assassins, et quoique Cambray depuis sa condamnation récente avoue que lui, moi et les autres, nous étions tous présens à ce meurtre, dans la vue probablement de se venger de moi et de m’impliquer dans quelque mauvaise affaire, je déclare solennellement que je ne suis jamais allé à Lotbinière, et que je ne me serais jamais imaginé qu’il y eut de l’argent à trouver dans la misérable hutte qu’occupait le gardien des Phares du Richelieu. J’ai souvent entendu raconter dans la prison les détails de cette affaire, et je sais qu’ils sont des plus révoltans. Attaquer un vieillard seul et sans armes sur une isle déserte, le rouer de coups, le forcer par les traitemens les plus inhumains à donner tout ce qu’il possède, et, pour mettre le comble à la barbarie, après l’avoir cruellement battu et meurtri, le jeter dans une cave pleine d’eau et l’y enfermer sous clef, c’est tout ce qu’on peut imaginer de plus affreux et de plus diabolique ; c’est faire le mal pour faire le mal, c’est se complaire dans des actes de férocité. Ce n’était pas notre système. Quand on donnait de bonne grâce et qu’on ne voulait point faire de résistance, nous ne maltraitions personne, persuadés que les recherches seraient moins assidues ou les démêlés avec la Justice moins dangereux. C’est une opinion reçue parmi les voleurs, que le meurtrier n’échappe jamais à la mort ; et si cette peine n’était infligée que pour le meurtre, je doute qu’il se commît jamais de violences dans les vols avec effraction.

« À cette époque, nous avions déjà oublié les soupçons qui deux mois auparavant avaient retenti jusqu’à notre porte, et nous vivions dans la plus grande sécurité, ne sachant pas que cette première rumeur, comme une boule de neige partie du haut d’une montagne, allait toujours se grossissant, et fondrait bientôt sur nous. Cambray croyait avoir conjuré l’orage par sa hardiesse et son hypocrite effronterie. Le lendemain du vol de la Congrégation, il s’était rendu sur le lieu pour satisfaire un sentiment de vaine et audacieuse curiosité, et passant près de la Chapelle