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Le Curé avait une ménagère, qui comme toutes les ménagères de Curés et de garçons, avait plus de caquet que de discrétion. Cambray la fit jaser, et en moins de dix minutes il connut toutes les affaires du Curé ; combien il avait de soutanes et de pauvres honteux ; combien de moutons ; combien de louis en réserve ; et puis où étaient les clefs, les vases sacrés, les papiers de conséquence, sans parler des difficultés et des histoires scandaleuses de la paroisse. Ce qui donnait surtout un air d’importance au babil de la vieille, c’est qu’elle parlait au pluriel : — nous avons fait ceci, nous ferons cela, nous voulons que ce soit comme cela, nous sommes de cet avis, moi et monsieur le Curé.

Et quand la vieille eut parlé jusqu’à s’enrouer, elle conduisit Cambray à la chambre qui lui était destinée, prit son bouillon à la reine, et alla se coucher.

Le lendemain au matin, grande alarme au Presbytère ! On crie, on court, on va, on vient ; c’est que Monsieur le Curé, étant entré dans la Sacristie pour dire sa messe, venait de s’apercevoir que les vases sacrés en avaient été enlevés pendant la nuit. Cambray, éveillé par le vacarme que fesaient dans la maison la ménagère, les serviteurs, les chantres et le bedeau, s’habille à la hâte, et vient se mêler au brouhaha. Au milieu de la mêlée, il s’approche du Curé, et lui dit à l’oreille : —

— « L’église a été volée ? je ne sais, mais j’ai vu dans votre cuisine un homme tout transporté ; il a une figure suspecte ; le voici…

— « Quoi ! C…c…n ? C’est le Bedeau ! »

— « Le Bedeau ! Oh ! ce ne peut pas être lui ; il n’a pas les clefs, sans doute ? — « Non, mais c’est lui qui ferme les portes, » répartit le Curé ; « c’est pourtant un honnête homme ! vous avez raison, il parait agité ! qui sait encore ?… »

Dès le même jour, le Bedeau fut arrêté, et mis en prison ; la vieille ménagère conta à toutes ses voisines combien elle le soupçonnait depuis longtems ; et Cambray alla rejoindre les gens de la chaloupe. —

— « Je les ai gobés, les vases sacrés, » leur dit-il, en les abordant ; « et qui plus est, j’en ai fait loger un dans le brick pour ce coup là. »

De là les brigands se rendirent à l’Isle aux Oies, et y assassinèrent les deux infortunés Griffiths, dont la mort a été un mystère jusqu’à ce jour.

Trois mois après l’infortuné Bedeau eut son procès, et fut acquitté. Il était innocent !