Page:Angers - Les révélations du crime ou Cambray et ses complices, 1837.djvu/20

Cette page a été validée par deux contributeurs.
19

« Toute cette scène s’était passée dans les ténèbres, qui nous étaient nécessaires ; car nous n’étions pas déguisés : ce n’était pas notre usage. Les moineaux une fois dans le cachot, Gagnon et moi nous fesons de la lumière, et tandis que nos camarades s’amusent à leur guise dans la noirceur, nous apportons sur la trappe de la cave une petite table, que nous chargeons de bouteilles et de provisions, et assis tous deux en face l’une de l’autre nous nous mettons à manger, à boire et à chanter comme des lurons. Les deux autres ne tardent pas à sortir de leur cage, et à nous rejoindre. »

« Elles peuvent appeler cela comme elles le voudront, » dit Matthieu en sortant ; « mais du moins la résistance n’a pas été grande : le diable m’emporte, si elles n’ont pas pris cela comme une bonne fortune. J’ai pincé le bras de la fille, elle a eu cinq cents amants, m’a-t-elle avoué ! »

« Et moi, je lui ai ôté son jonc, » dit Cambray, en nous le montrant. »

« Bientôt nous chargeons la trappe de la cave de tout ce qui nous tombe sous la main, poêle, coffres, chaudrons, marmites ; et nous nous mettons à piller la maison. Après nous être emparés des meilleures hardes et de quelques pièces d’argent que nous trouvons, nous excitons nos deux belles prisonnières à la patience, et nous détalons. »

« Le jour suivant fut consacré à une nouvelle excursion à Charlesbourg, où Cambray et moi allâmes à la recherche de Paradis, que nous trouvâmes enfin. Cambray lui parla sur sa porte, pour lui demander le chemin du Lac Beauport. Cependant nous n’avions pas connu les êtres de la maison, et j’y retournai le lendemain avec Gagnon, qui y entra sous le prétexte de s’informer de la route qui conduit à Craig’s-mill, dont nous lui avions écrit le nom sur un morceau de papier. Je ne me montrai pas, je craignais que ma taille et mon bégaiement ne me fissent reconnaître. Nous revenons chez Cambray, et de là nous partons tous quatre le même soir pour l’expédition. C’était, je crois, le 3 Février, (1835.)

« Nous nous lançons tous ensemble avec des leviers sur la porte qui s’ouvre avec fracas, et nous nous précipitons dans la première salle. Quelle est notre surprise d’apercevoir au milieu de la chambre un vieillard à genoux, les mains jointes et levées vers le Ciel, tremblant, priant, et criant : »

« Miséricorde ! miséricorde ! mille fois miséricorde ! »

« C’était un mendiant qui avait pris là son gîte pour la nuit. Sa peur et ses prières nous firent éclater de rire. L’un s’empare du mendiant, un autre prend au collet le vieux Paradis dans son lit, et nous les envoyons tous deux de compagnie à la cave. »