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A… et les mêmes personnes y étaient concernées. Mathieu, par précaution, avait pris d’autres engagemens avec des industriels de sa force pour accaparer la poire, si nous négligions de la cueillir. Cependant nous ne réussîmes pas cette fois-ci ; car le premier carreau brisé, soit remords, soit faiblesse, je pris encore la fuite et mis la déroute dans le camp. L’entreprise fut ajournée.

« Ce ne fut que quelques jours après, (le 3 Novembre 1834,) que deux vieux délinquans, J. Stewart et J.-H…l vinrent frapper le soir à la porte de Cambray, et lui proposèrent d’accomplir le projet avorté de houspiller le comptoir d’Atkinson à l’insçu de Mathieu et des autres, lui observant qu’il ne fallait pas laisser mûrir le fruit plus longtemps, car tous les confrères en fesaient leur point de mire. Je dormais, ils m’éveillèrent, je jurai d’être ferme à mon poste, et nous partîmes tous quatre, mettant notre tête à prix si jamais nous dévoilions le secret, par cette sentence prononcée solennellement : »

« Au nom du Diable, tuez-moi, si j’en souffle ! »

« Nous nous rendons en chaloupe près du quai des Indes, où nous déposons Stewart et H…l ; nous ramenons notre embarcation aux Marchés ; et nous rejoignons nos camarades qui nous avaient ouvert la porte de la Cour. Une croisée est ouverte sans bruit, et Cambray et H…l se risquent dans la place, tandisque Stewart et moi, bien armés tous deux, fesons bonne garde. Nos camarades ont trouvé le coffre-fort, mais ils essaient en vain de le remuer, quand tout-à-coup Cambray impatienté et maudissant son âme, le saisit seul, le lève à la hauteur de son estomac, et vient d’un pied ferme le déposer sur la fenêtre, d’où nous le fesons glisser dans la cour avec précaution, à l’aide d’un madrier. Je crois qu’il pesait plus de huit quintaux, et nous eûmes quelque peine à le rendre à notre Chaloupe. De là nous nous rendons sur le banc de sable qui se découvre à mer basse vis-à-vis du Marché St. Paul ; Cambray court chercher une hache, enfonce le coffre, en met tout le contenu dans deux mouchoirs, et nous nous rendons à sa demeure. Là a lieu dans une chambre secrète l’inventaire de la prise. Cette fois encore Cambray fait le partage du lion ; tandis qu’il m’occupe à brûler les papiers et les livres, il escamote tout l’argent à la face des autres, et les congédie avec quelques piastres. Le lendemain il me remit sept louis ; j’ai appris depuis que le coffre en contenait cent cinquante ; — en sorte que cette nuit vallut à l’un de nous près de cinq cents dollars. Stewart fut arrêté sous soupçon pour ce vol, et resta deux mois en prison comme vagabond. Après cette échauffaurée, je partis pour Broughton, où je demeurai jusqu’à la fin de Janvier, (1835,) lorsque Cambray vint lui même me solliciter de revenir à Québec, et pour plus grande précaution me fit assigner comme témoin dans un procès qu’il avait avec un nommé D..l.t, aubergiste. Ce n’était qu’un prétexte, car je ne connaissais rien de